mardi 8 janvier 2013

     En ces temps initiaux dédiés à Janus, à la veille du premier sacrifice de l'année où un bélier lui était traditionnellement offert, je voudrais formuler des voeux de bonne santé, de prospérité et de bonheur aux visiteurs de ce blog.

     En guise d'étrennes, voici un petit aperçu du cycle solstitial que nous venons de quitter, tel qu'il était célébré dans la Rome Antique. Ces lignes retranscrivent plus ou moins fidèlement ma contribution orale au IVème Café Païen Lyonnais, dont le thème principal était : "les traditions Païennes de la fin de l'année".

     Comme tous les peuples dont la religion est liée à la nature, sous nos latitudes, les Romains voyaient dans la période du solstice d'hiver un passage particulièrement périlleux, un passage étroit : celui des angusti dies, des jours les plus courts où les ténèbres nocturnes l'emportent sur la lumière du jour et où le soleil semble faiblir au point qu'on puisse craindre qu'il ne se lève plus.

     Ainsi, il n'est pas étonnant qu'après un mois de novembre particulièrement pauvre en festivités, le mois de décembre soit au contraire fertile en réjouissances, au point qu'il s'avère difficile de délimiter avec précision le début de la période qui nous intéresse. Faut il inclure la première quinzaine du mois, avec la fête de Bona Dea le 3, les Faunalia du 4 et l'Agonium de Sol Indiges le 11 ?

     Il ne serait pas absurde de commencer le cycle par une fête solaire, un agonium (sacrifice) qu'on peut supposer contribuer à une revigoration de l'astre avant son passage périlleux, et de le terminer le 9 janvier par un autre agonium, dédié à Janus, où l'on peut considérer l'immolation du bélier, tête du troupeau et animal éminemment solaire, comme une célébration de la montée des jours nouveaux.

     Pour ma part, j'ai préféré délimiter un cycle plus court, en commençant le 15 décembre par une fête obscure dédié à un Dieu obscur, Consus, pour clore la période le 25 Décembre, jour de célébration triomphale du Soleil Invaincu, émergeant du passage périlleux vainqueur des ténèbres.

     Le 15 décembre ont lieu les consualia. Ces fêtes furent créées selon la légende par le fondateur de la Ville en personne, en l'honneur du Dieu Consus, vieux Dieu latin fort méconnu.

     Penchons nous d'abord sur son nom : les Anciens le font venir de consilium, le conseil, car il aurait inspiré à Romulus la ruse qui aboutit à l'enlèvement des Sabines. Cette étymologie, comme beaucoup de celles dont raffolaient nos ancêtres, est aujourd'hui considérée comme fantaisiste. On lui préfère un dérivé de sero, consero : "semer", "planter". Le vieux Consus ou Consivius serait donc un Dieu des semailles, ce qui nous rappelle que sa première fête à lieu en août (les fêtes Romaines sont souvent doubles), le 21, où il voisine avec Ops, l'Abondance personnifiée, dont la fête des opiconsivia survient quatre jours plus tard. C'est lors de ces consuales d'été, juste après les moissons, que l'Histoire mythique de Rome situe l'épisode de l'Enlèvement des Sabines.

     Une deuxième étymologie possible ferait provenir le nom du Dieu de condere : "fonder", "établir", mais aussi "mettre à part", "réserver", "conserver". On voit ici se resserer les liens avec le Fondateur de Rome, et cette deuxième naissance que fut pour Rome l'alliance avec les Sabins, peuple qui, comme la montré Dumézil, connote la troisième fonction, liée à la richesse et à l'abondance.

     L'autel de Consus est, dit-on aussi vieux que la Ville elle-même ; il se situait dans le Circus Maximus, et avait pour particularité d'être un autel creux, souterrain : un anti-autel en quelque sorte. Pendant toute l'année, il restait couvert de terre, mais il était déblayé pour recevoir les sacrifices lors des deux consualia, celle du 21 août, qui correspondait à l'engrangement des récoltes, et celles du 15 décembre, qui célébrait le dégrangement du grain, et qui était le signal d'une période de festivités et de bombance.

     Fermeture et ouverture du grenier : nous avons là un symbolisme voisin de celui de Janus, le Maître des Portes. Abondance et réjouissances : c'est là le domaine de Saturne, le Maître de décembre, et de sa parèdre, Ops, qui suit de peu Consus en été comme en hiver, puisqu'elle revient le 19 décembre, encore quatre jours après. 

     Consus, recevant son culte dans le Grand Cirque, était célébré par des courses de chevaux présidées par les pontifes. On l'a d'ailleurs assimilé, tardivement, à Neptune et à Poseidon Hippios. Et les Romains, lorsqu'ils adoptèrent la déesse Gauloise Epona, fixèrent sa fête aux ides de décembre (ou le 18, selon certaines traditions).

     Notre Dieu souterrain et mystérieux, protecteur de la vie latente dans les profondeurs du sol, est sans doute le garant de la germination future des épis comme des cités...Faut-il l'assimiler à Saturne, dont la personnalité est si proche ? Les vieilles divinités latines sont souvent bien difficiles à cerner, et leurs attributions  si ambigües...Nous aurons encore l'occasion de le constater. Toujours est-il que ce théonyme sert d'épiclèse à Saturne, Janus et Terminus, le Dieu des bornes.
 
     C'est vers le premier que nous allons maintenant nous tourner, les portes du grenier étant ouvertes...

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