Salve Domina Dea
Flammipotens ! Fer opem, precor, ad tua sacra veni !
Salut, Dame
Vesta ! Veuille éclairer ma lanterne de Ta flamme bienveillante, pour que
j’expose à tous Ta puissance et Tes bienfaits, comme il est juste !
Les Puissances Éternelles
s’avancent à travers toutes choses, et leur providence traverse l’univers de
part en part.
Jaillissant de leur source
ineffable, elles se distinguent à l’unisson dans la Prairie Intelligible, puis, déployant leurs splendeurs dans les jardins de l’âme, elles viennent jusque
dans les vallées sensibles illuminer
nos vies quotidiennes, à telle enseigne que rien dans l’univers n’est jamais
privé de la présence divine.
Ainsi, Dame Vesta, Ta lumière
provient des régions inconnues qu’aucun œil mortel jamais n’a perçu, et où
l’âme éblouie par l’évidence éclatante ne peut voir que la nuit. C’est en cette
Nuit profonde que chaque Immortel puise son origine, mais Toi, Vesta, Tu es la
première à en être surgie.
Comment pourrait-on Te décrire,
Déesse ? Tu es la Divinité même et nos mots sont indigents devant Ta
surabondante clarté ; ils sont insuffisants à Te contenir.
Sur la Prairie Intelligible
Vesta est en effet la racine même
de la Divinité : Elle est l’Être qui se rend visible dans la lumière. Au
matin du monde, c’est Elle qui alluma pour tous l’existence, rendant visible
tout ce qui auparavant gisait, caché dans les ténèbres. Elle est comme la
Signature du Sans Nom, la Primignature.
C’est pourquoi les Hellènes lui sacrifient en premier en toute occasion.
Car de l’Un, on ne peut rien
dire, on ne peut même pas le penser : qui pense l’Un le perd aussitôt et
qui le dit le divise en sa devise même. Mais dans la Nuit sans fond ni bord,
une lueur s’est levée, sans raison ni pourquoi, comme un témoin fidèle et muet
de l’Inconcevable.
Elle s’est dressée comme la
sentinelle de l’Indicible, la Veilleuse de l’Infini. Elle a jailli
soudainement, en cet instant qui n’eut jamais lieu mais qui dure toujours, du
frottement sans fin des ténèbres contre elles même, de l’affliction du Néant
sur sa propre absence, de la friction du vide avec le rien. Elle a changé le
deuil en Dieu.
C’est en Elle et en Elle seule
que la Divinité se connaît et se voit. Elle en est à la fois le cœur et l’œil.
C’est en Elle que Dieu se complet et s’émerveille : Elle en est la
substance manifeste, la Protousie, la
chair infinie ; Elle est la Terre ignée sur laquelle Dieu a lieu,
l’Empyrée qui flamboie au-delà des étoiles, le champ d’ailes d’où proviennent
nos âmes…
Allumée dans le vide infini, Elle
l’occulte entièrement, Ô merveille, en son giron de lumière. Ainsi, c’est en
Elle que Dieu s’est fait Dieu, c’est en cette claire matrice que Dieu s’est
fait à lui-même présent. Vesta est la Haute Flamme, matrice incandescente de
l’Être, sommet ardent de toute nature : elle est le Foyer éternel de
l’Olympe, point de tangence du Monde avec son indicible origine, étoile polaire.
C’est pourquoi Proclus écrit qu’Elle « contient les sommets de
l’Univers » (Théologie Platonicienne). Elle convertit de toute éternité
l’Infini en Un fini.
C’est en Elle, donc, et en Elle
seule, que toute divinité a personnalité : suspendue au non-être comme une
goutte paradoxale, elle est l’Hypostase Première, masquant l’Absolu de son
humble lumière ; elle est l’Humière,
paradoxe vivant et vie paradoxale, qui consent à manifester l’Inexprimable et à
naître d’une colonne de cire où Elle vient se refléter.
Ainsi est-Elle à la fois la Mère
et la Fille de toute divinité ; à la fois base et sommet de toute réalité.
En Elle, toute chose prend racine et s’épanouit dans la perfection, car elle
est l’Idée des Idées, la Protidée,
éther vif et terre intelligible. Ainsi, Plotin dit de Dieu (Ennéade VI,
8 : 14) « C’est comme s’Il S’appuyait sur Lui-même et s’Il jetait un
regard sur Lui-même » : ce regard souverain qui fonde l’existence
comme expérience de soi, ce regard qui est cause simultanément de Lui-même et
des autres, c’est Vesta en tant qu’Œil Solaire, comme nous le verrons un peu
plus bas. Elle fonde en outre la béatitude infinie de Dieu en tant qu’il jouit
de sa propre splendeur, son existence comme extase en exultation d’ampleur sans
limite, son éternité comme jubilation sans début ni fin.
Image féminine de l’Unité, Elle
est cette Unité elle-même qui rayonne lorsqu’elle est participée. Agir, pour
Elle, c’est briller, c’est là son acte unique et royal, qui la fait « siéger
à jamais » (Premier Hymne Homérique à Hestia, 3) établissant la Demeure qui
lui est consubstantielle, la Regia.
Sa présence primordiale fonde sa préséance sur toutes choses, en tant que
manifestation focale du Bien qui se communique de lui-même, sans limite, et
sans être diminué.
Cette flamme qui se donne
entièrement à chaque instant, et dont la lumière symbolise pour nous la
Conscience, est encore Amour par sa chaleur. Cet amour sans limite manifeste la
liberté absolue du don de soi, la jouissance de se trouver à l’instant même où
l’on s’est perdu : plénitude paradoxale du don infini d’une infinie
fécondité, origine d’un rayonnement lui-même sans fin. Cette Amour absolu est
l’essence même du soleil, qui se manifeste simultanément, de manière
paradoxale, en la personne d’Apollon et en celle de Dionysos, tous deux images de
la sainteté dans la sagesse comme dans la folie.
Là-bas, la flamme d’Hestia est
infinie, elle est à la fois terre et feu, immense prairie de flammes humides où
toutes choses sont appelées à se manifester. Elle est la table ardente et pure
où tout être est invité à sa propre existence, car tous sont les convives
d’Hestia, en tant qu’Elle est, par son nom sacré, le Repos (Hesychia), le Repas (Histiè), et l’Essence (Ousia), comme nous l’enseigne le Divin
Platon. Elle manifeste toutes choses dans la bienheureuse simultanéité de
l’Intelligible comme étant Sa corolle de splendeur.
Si Hermès, son chevalier servant,
profère toutes choses à l’extérieur par la flamme sonore du Logos, Hestia montre toute chose par la
parole ignée de l’Eidos. C’est en
Elle en effet que tous, nous avons notre existence et notre repos, car la
Déesse est une langue qui nous adresse cet appel silencieux : « Tu
es ». Elle est cette Mère aimante qui instaure la conscience que nous
avons de nous-mêmes et nourrit notre présence à nous-mêmes, comme une flamme unique
et pourtant innombrable, qui se communique à tous et à chacun sans jamais
diminuer sa clarté. Elle nous embrasse tous en son embrasement, elle fonde
notre unité intime comme elle fonda en l’Un l’intime infinité.
De sa langue dressée, Elle
profère toute lumière, et chasse toute confusion par la diffusion du sens
qu’Elle montre par son corps même, direction primordiale de verticalité.
Dans les jardins de l’âme
Fuselée comme une amande, la
flamme vestalienne déroule le fil de l’être comme le fil du regard de son œil.
Elle tresse ainsi le lien cordial qui descend d’œil en œil et de symbole en
symbole à travers les mondes jusqu’aux Enfers où règne Perséphone. Il n’est pas
un lieu en ce monde qui ne soit, grâce à Vesta, de mèche avec l’Absolu (Fig.
1). Car son regard est en même temps la lumière voyante, efficace et
opérative, qui tisse désormais les fils de l’Existence. La Déesse a déployé par
sa clarté une sphère où toute chose est contenue ; sphère dont Elle est le
centre omniprésent et dont Elle étend la circonférence à l’infini. C’est en
mémoire de cela que ses sanctuaires sont ronds comme le soleil, le prytanée du
Monde, foyer sacré de l’Immensité.
Elle est Celle qui rend visible
toutes choses ; en Elle s’illustre toute image, se déploie toute
splendeur, comme la Rose qui partage son parfum et qui, toujours déshabillée,
n’est pourtant jamais nue ; La flamme, toujours effeuillée, garde son
mystère au cœur de sa lumière, qu’elle donne sans compter. Mère de toute image,
elle n’a Elle-même pas d’image, car Elle est l’Image par excellence, en qui se
conjoignent le regard et l’objet regardé. Elle est la Primagie, la Proticône, à
la fois une et nue puisqu’habillée de sa propre vision.
Perchée au centre de toute chose,
elle en est l’intériorité, elle en affirme l’identité ; cachée dans l’intime
quiddité des êtres comme une amande ignée, Elle en assure la manifestation
extérieure (Fig. 2). C’est par Elle que nous avons l’intuition de l’essence
ultime de chaque chose, si nous savons contempler sans disséquer. Elle est la
Maîtresse de toute contemplation, et par concentration, déploie tout domaine en
demeure et abolit toute effraction entre extérieur et intérieur. Et c’est là le
secret de sa virginité : la flamme ne peut être pénétrée par rien qui ne
soit elle-même.
Convertissant vers l’intérieur ce
qui est extérieur, Elle subtilise les substances par son adorable et odorant
mystère ; en retour, Elle rend manifeste tout ce qui est caché et coagule
tout ce qui est subtil. Voilà pourquoi elle est la Porte de l’Imaginal :
Elle spiritualise les corps et corporifie les esprits. Elle rend fragrant ce
qui était pesant et flagrant ce qui était occulte. Elle est à l’origine de la
conversion des êtres corporels et de la procession des êtres spirituels. En
Elle réside le secret de la permanence, tant supérieure qu’inférieure : Elle en est la Puissance. Elle est le moteur de la convection de L’Être et de
l’immobile révolution du Cosmos (Fig. 3).
Ainsi, toute nature, supérieure
comme inférieure, est ordonnée à Hestia. L’Univers en effet est formée de
l’entrelacement hiérarchique de trois Natures : au sommet de l’univers,
l’ordre primordial correspond à la Nature Naturante, sur laquelle règne Rhéa,
l’Abondance absolue, la Nature Intégrale, épouse de l’Intellect, Saturne. Sur
la Nature médiane, naturée, et déployée comme une âme, règnent Héra, Artémis et
Athéna, qui en explicitent les raisons. Enfin, parce qu’elle est passive, cette
Nature Naturée ne peut se maintenir elle-même et doit s’écouler indéfiniment
dans le devenir : c’est la Nature Sensible ou Nymphale, dominée par l’alternance
des jours et des nuits, des vies et des morts, et c’est sur elle que règnent
Déméter et Coré, sa Fille aux belles chevilles (Fig. 4).
C’est au milieu de ces six Reines
que rayonne Dame Vesta : elle est la Septième, et se tient simultanément
en haut et en bas, comme Hécate (Fig. 5).
Car elle est la Vie par
excellence, la Vie souveraine ; et s’il est vrai que chaque Dieu, comme
l’enseigne Proclus, possède deux mouvements fondamentaux : un mouvement de
conversion vers soi-même et un mouvement de conversion vers son Principe,
Hestia, en chaque Puissance Divine, est la Puissance de conversion vers
soi-même. Elle est la vie propre de chacun des Bienheureux, le centre immobile
et stable de son domaine d’action, l’essence même de sa souveraineté divine, sa
Présence Efficace. Et le Présent se fit serpent…
C’est en vertu de cette vérité
sacrée que les Egyptiens dans leur sagesse ont donné à Vesta l’apparence d’un
serpent femelle dressé, au cou gonflé, l’Oudjat.
Sur le front auguste de chaque Puissance souveraine, en effet, Elle se dresse
en sifflant comme reflet de l’Idée Primordiale par laquelle Dieu se saisit
lui-même comme Personne Suprême. Cette Uraeus,
qui brille au front des Divinités comme la flamme sur la cire d’une chandelle,
est comme un œil supérieur, marque visible de leur conscience totale et de leur
présence éternelle. Cet Œil évidentiel est
la matrice de l’auréole qui déploie l’être au monde spécifique à chaque Dieu,
son domaine ontologique, qui est à la fois distinct et identique de ceux des
autres Dieux (Fig. 6). Car les Dieux sont les uns les autres, sans séparation
ni confusion, c’est là le secret de leur allélousie,
et c’est dans la Flamme unique et innombrable d’Hestia qu’il faut la
contempler. Et cette allélousie
bienheureuse des Immortels nous est confirmée dans les Mythes sous la forme de
leur Festin éternel.
Que Vesta dit-Elle de
nous-mêmes ? Et que nous révèle-t-Elle de notre âme ? Car les vérités universelles et divines
assurément se reflètent dans les vérités humaines et particulières ; et si
la Déesse est le foyer de la Maison Commune, la lumière du Monde, Elle est en
même temps le foyer intime de chacune et de chacun de nous en tant que
microcosme.
Lorsque la Divinité, dépourvue de
toute jalousie, détacha d’elle-même une parcelle pour nous donner l’existence,
telle un brasier d’amour d’où une étincelle avait soudain jailli, Vesta est comme cette graine ignée qui fut
semée en nous de toute éternité : elle est l’éclat natif de la Di-ignitas, l’ignitude des Dieux qui se manifeste dans la dignité inhérente à toute
personne humaine ; et c’est cet héritage
sacré qu’il nous faut faire croître et fructifier dans la Majesté, en
prenant soin de notre âme, et en cultivant ses vertus afin que notre
conscience, signe efficace de la Déesse en nous, soit augmentée. Et lorsque la
flamme gagne en hauteur, le cercle de clarté qu’elle projette augmente
d’autant, et avec lui, le domaine auguste de ce qui dépend de nous, notre
empire sur nous-même ; notre présence s’élargit alors que recule le vice
et la malignité. Ainsi, l’homme de bien se rapproche-t-il des Dieux par son immensification.
Dans les vallées sensibles
Jadis, les humains vivaient
isolés, dit-on, les uns des autres, et ne possédaient pas le feu. Ils menaient
une existence misérable, réduits qu’ils étaient à manger les glands, d’où leur
nom de balanophages. On raconte que,
par pitié pour leur triste condition, le feu leur fut accordé par le Ciel, et
les hommes s’en émerveillèrent, voyant à quel point cet élément manifestait la
lumière Divine dont ils avaient gardé quelque obscure nostalgie. Ils ne
tardèrent pas à reconnaître en la flamme la présence d’Hestia, la Mère des
Lumières, et se laissèrent persuader par son doux et clair langage de venir se
rassembler en son giron pour mener une vie pure et ordonnée, tissant entre eux
des relations de solidarité et de mutuelle estime.
C’est ainsi que naquirent les
Cités, et que les hommes entrèrent, grâce à Hestia Prytanéenne, dans la parenté
des Dieux, devenant des êtres transignés,
capables de concevoir l’Inconcevable. Devenus synestioi, Citoyens-convives, les hommes commencèrent à sacrifier et
à observer les fêtes, marchant, pour ainsi dire, du pas des Immortels. Et c’est
ainsi qu’Hestia, la Déesse de tous les Bonheurs, relia toute cité humaine à la
cité éternelle, la Citadelle Céleste des Bienheureux.
Parmi les humains, les uns, sur
les bords de l’Océan, la nommèrent Bélisama,
d’autres, dans les froidures du nord, Fricca
ou Sigyn, Gabija sur les bords de la Baltique et Uraeus sur les bords du Nil. Même dans les Indes lointaines, on la
vénère sous le nom de Sitâlâ,
brasier où les jeunes fiancées sacrifient lors de leur entrée au foyer. Mais tous les humains avaient reconnu la
Déesse Flammifère et lui rendaient un culte, comme point focal de toute
présence, et reflet intime ici-bas de l’Empyréenne Infinité.
C’est pourquoi Numa notre Roi
institua pour la Ville une flamme éternelle, qu’il fit garder par six femmes
d’exception, le miel des femmes. Et ces six femmes sont vraiment comme des
abeilles autour de la flamme, septième et centrale d’entre elles.
Car c’est ici-bas que nous avons
l’expérience première des Puissances Divines, et c’est dans la vie quotidienne
que s’élabore nécessairement cette expérience. Elle naît dans la corolle de
notre âme en sa condition incarnée, comme individu singulier dans la prairie
des sens, pris dans le tourbillon des ans et des saisons. Au fil des génération
et par la nature des choses s’est élaboré notre Tradition, formulée d’âge en
âge par nos législateurs, assidus compagnons des mystères divins.
Chaque cycle liturgique est ainsi
comme l’épopée singulière d’un astre divin sous la voûte des temples, qui
déroule l’éternité mythique dans la temporalité de nos rites.
Celui de Vesta, comme il est
juste, commence avec l’année sacrée, le premier Mars, et culmine entre le 9 et
le 15 juin, le cycle vestal par excellence.
Car c’est le premier jour de Mars
que les Vierges Vestales allument le Feu Nouveau, jour où Junon Lucine donne
l’année au monde et le jour à l’année : tu nobis lucem, Lucina, dedisti (Ovide, Fastes, 3 :255). Ce
jour-là, dit « saturnales des femmes », commémore aussi la
réconciliation des Romains et des Sabins après l’enlèvement des Sabines, et ce
jour est un jour de paix et de sérénité : la lumière est un feu qui se
languit d’amour. De nouveaux lauriers ornent les maisons des flamines, et notre
Déesse y danse en crépitant d’aise.
Le 6 Mars Elle est honorée
conjointement aux Lares de la Ville.
Puis Dame Vesta fournira au
Quirites les moyens de se purifier tout au long de l’année et le viatique indispensable
à tout acte sacré.
Le 15 avril, lors des Fordicidies
en l’honneur de la Terre, les cendres de l’embryon du veau seront pieusement
récoltées ; le 21 avril, pour la fête de Palès et l’anniversaire de notre
Patrie, les cendres du veau mêlées à celles des tiges des fèves creuses et au
sang séché du cheval d’Octobre tombé le 15 octobre serviront aux Romains à
purifier leurs maisons et étables, comme fumigation. Ainsi les cendres
périphériques des occis dans l’année sont-elles mystérieusement rassemblées
vers le centre dont elles contribuent à la régénération.
Entre le 7 et le 14 mai, les
Vestales iront de nuit cueillir les épis qui permettront de fabriquer la poudre
sacrificielle, la Mola Salsa.
Le 14 mai, les Vestales en deuil
jettent dans le Tibre les 27 mannequins d’osier de la cérémonie des Argées.
En juin, toujours en compagnie de
Junon, culmine le culte de la Déesse :
Du 7 au 15, les Matrones ont
accès au Penus Vestae, habituellement
accessible aux seules Vestales ; le 9, le sanctuaire rond bâti par Numa
sur le Forum, et qui accueille les objets vénérables que notre Père Enée sauva
du sac de Troie, est ouvert. Ce jour, les boulangers honorent Vesta. Les ânes
qui font tourner les meules sont honorés de couronnes de pain (la fleur de
Vesta n’est-elle pas aussi celle de la farine ?), alors que les meules
sont elles-mêmes couronnées de fleurs. Les Vestales offrent à la Déesse la Mola Salsa, indispensable au sacrifice,
qu’elles ont confectionné avec les épis d’épeautre et le sel.
Le 15 juin à lieu le grand
nettoyage du sanctuaire, et les impuretés (stercus)
sont enlevées et portées à la porta
stercoraria puis au Tibre (quando
stercus delatum fas). Comme la roue à aube d’un moulin éternel, l’année
écope le temps, elle irrigue notre quotidien et le draine en même temps. Ses
fastes, toujours renouvelés, consument les impuretés existentielles et évacuent
les toxines et venins nés de l’écume des jours. Au centre de cette procession
circulaire, comme une mère attentive, se tient Vesta, infatigable témoin de nos
jeux temporels. Elle est l’essieu des cycles de nos existences, elle est la
garante de notre inévitable retour au Foyer Natal. Bienveillante, elle brûle en
silence nos ombres et nos troubles. Ainsi, Mère, en ce jour nous Te montrons
combien nous sommes conscients de Ta Présence, et combien nous savons que Ta
pureté condescend à nos genoux salis dans la cour du Temps. Et nous prendrons
en charge, nous-mêmes, les scories du devenir et les poussières de la durée.
Puis, nous irons fermer l’huis de Ton temple, jusqu’à l’an prochain, où nous
espérons revenir avec un degré de clarté supérieur.
Le 7 juillet, les Vestales
participent à l’ouverture de la fosse de Consus dans le grand cirque :
progressivement sont ainsi dévoilés tous les étages du monde, pour qu’y pénètre
la conscience-présence dont notre Dame est garante.
Le 25 Août, Ops est honorée par
les Vestales à la Regia.
Dans la nuit du 3 au 4 Décembre,
les Vestales conduiront les cérémonies de Damia, dite aussi Bona Dea,
exclusivement réservées aux femmes.
En février, enfin, c’est la
Grande Vestale qui célébrera les rituels des défunts, lors de la Parentatio du 13 en l’honneur de Tarpeia
et des Feralia du 21. Et ainsi se
termine le cycle de l’an à la lueur du foyer commun du Peuple Romain.
Il nous faut accueillir les Dieux
chez nous ici-bas, reflétant ainsi cette générosité qui fit que la Flamme
Hypostatique se détacha d’elle-même pour nous communiquer son être. Faire cela,
c’est faire acte de réminiscence, et c’est remembrer Celui dont nous sommes
tous les membres épars. Cette feuille enflammée qui se détacha jadis de l’arbre
chandelier de l’Empyrée pour venir poser son empreinte sur l’humus matériel
doit nécessairement remonter, portée par le souffle de nos prières. Flamme
certaine, Vesta est parmi nous la boussole absolue qui pointe vers les régions
inétendues, nous rappelant l’éternité au cœur du quotidien.
Il n’est qu’une seule Vesta qui
brille en une infinité de foyers différents, et la flamme est la même sur
toutes les chandelles, éclairant à chaque fois un monde différent en son
existence, mais unique en son essence. La Déesse nous enseigne ainsi l’Amour
véritable, qui consiste à percevoir en autrui la Flamme divine comme
simultanément même et autre, à se laisser embraser par sa rencontre, à se
laisser initier par le délicieux mystère de la transpersonnalité, où l’on reconnaît la flamme comme singulière et
universelle à la fois.
Vesta berce la braise de notre
bonheur dans son tablier. Le bonheur en vérité est l’huile qui découle de ses
cheveux, et qui fait luire toute chose de l’éclat de sa joie, celle d’avoir
réintégré sa propre nature et de s’y reposer. Car chaque être ici-bas aspire à
retrouver son foyer pour y célébrer ses retrouvailles et pour y communier avec
l’univers entier.
Ô Vesta, Flamme
Sainte,
Fais de mon cœur
Ta lampe,
Fais de mes
pupilles Ton miroir,
Fidèle témoin de
Ta clarté.
Toi, claire
conscience partout répandue,
Toujours centrale,
en tout lieu, à jamais,
Détermine, Ô
Déesse, de ton précieux éclat,
L’angle unique de
ma visée
Dans le rayon de
ton regard maternel,
Et garde la part
qui est mienne dans la roue éternelle
Dont Tu es le
moyeu où s’ajuste toute chose,
Toi, ardent fil à
plomb des Bâtisseurs du Ciel !
VIVAX FLAMMA
VIGET !
Omen sit.
Lupercus scripsit.
Je retrouve içi des idées de Jacob Böhme, de Robert Fludd, d'Anathase Kircher,Raymond Lulle, telles qu'elles sont décrites dans le Musée hermétique: alchimie et mystique par Alexander Roob, publié chez Taschen.
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RépondreSupprimerJe ne les ai pas tous lus : j'ai lu plusieurs ouvrages de Jacob Böhme, Raymond Lulle et un ouvrage sur Robert Fludd, il y a fort longtemps.
RépondreSupprimerMerci beaucoup, c'est magnifique.
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